La formation des directions d'établissements

La profession de direction d’établissement scolaire est complexe car elle s’exerce dans des environnements multiples et incertains, tributaires des conjonctures et des évènements. La profession s’inscrit dans un champ de pratiques, d’études et de recherches, « l’administration scolaire », qui tend à s’autonomiser depuis plusieurs années par rapport au champ de l’administration publique (Barnabé et Toussaint, 2018). Au Québec, les caractéristiques des personnes qui exercent la profession évoluent au fil des ans : les directions sont plus jeunes qu’auparavant et de sexe féminin dans une plus grande proportion. Elles ont généralement moins d’expérience professionnelle, mais elles sont mieux formées. La profession fait appel à des compétences multiples liées entre autres à la gestion pédagogique, à la gestion administrative et au leadership scolaire.
La profession prévoit des rôles prescrits (par les lois et règlements), manifestes (ils s’actualisent dans le travail concret) et souhaités (par les directions ou les acteurs scolaires) (Lalancette, 2014). Les fonctions qui correspondent aux rôles prescrits sont prévues dans la Loi sur l’Instruction publique. Entre autres, les directions s’assurent de la qualité des services éducatifs dispensés dans leur établissement; elles sont responsables de la direction pédagogique et administrative; elles assistent le conseil d’établissement dans ses fonctions; elles gèrent le personnel, les ressources financières et matérielles de l’école, du centre de formation professionnelle ou du centre d’éducation des adultes (Gouvernement du Québec, 2020).
Plusieurs enjeux les interpellent. Celui de la diversité, d’abord : les populations d’élèves sont de plus en plus contrastées, considérant la diversité ethnoculturelle, linguistique et religieuse, leurs caractéristiques socioéconomiques et familiales, les problèmes d’apprentissage et de santé maintenant diagnostiqués. L’enjeu du partenariat, ensuite : les directions doivent davantage travailler en collaboration et de manière écosystémique. L’enjeu de l’efficacité, enfin : sur les plans du recours au numérique, des modalités de la gestion axée sur les résultats, mais aussi quant à la nécessité de fonder leurs prestations sur des données probantes ou sur des pratiques éprouvées (Bernatchez, à paraître).
Les directions doivent aussi relever plusieurs défis, entre autres ceux évoqués dans le texte d’accompagnement du référentiel ministériel de compétences des directions d’établissements (MELS, 2008) : veiller au déploiement du potentiel des personnels scolaires en s’assurant que leurs contributions soient en lien avec la mission éducative; mobiliser les individus et les équipes en respectant les normes, les règles et les procédures; mettre en place les conditions favorables au développement de pratiques favorisant la réussite de tous les élèves; veiller au développement des compétences de leur personnel et à leur propre développement professionnel. Ce texte s’intéresse à ce dernier aspect : la formation des directions d’établissements scolaires au Québec.
Dans ce texte (Bernatchez, 2011), quatre dimensions sont abordées pour dresser un portrait de la formation des directions d’établissements scolaires au Québec : une mise en contexte de la fonction, les compétences attendues, la formation offerte et l’apprentissage d’un savoir-agir complexe.
La fonction de direction d’établissement scolaire est d’abord définie dans l’action plutôt que dans des textes normatifs. Leurs rôles, fonctions et pouvoirs commencent à se dessiner dans la Loi sur l’Instruction publique de 1979. La seconde grande réforme de l’éducation, consécutive aux États généraux (1995-1996), a également eu un impact important sur l’exercice de la profession en raison de l’adhésion nouvelle au paradigme de l’apprentissage (sur le plan pédagogique) et au paradigme de la nouvelle gestion publique (sur le plan administratif). 
Les compétences attendues et les prérequis pour devenir direction d’établissement scolaire sont nombreux. Au moins cinq années d’expérience en enseignement sont requises et à cela s’ajoute l’exigence d’obtenir au moins 30 crédits de cours universitaires de 2e cycle associés à la gestion. Les directions doivent maîtriser les compétences déclinées au référentiel de compétences de la profession enseignante (MEQ, 2001) couplées à celles du référentiel de compétences des directions d’établissements (MELS, 2008; Bouchamma, 2013).
La formation universitaire offerte aux futures directions s’appuie généralement sur le référentiel ministériel de compétences des directions d’établissements scolaires. Les individus convoitant les postes de direction sont les premiers responsables de leur formation, mais les centres de services scolaires et les associations professionnelles peuvent aussi participer à leurs activités de développement professionnel. 
La compétence est un savoir-agir complexe qui se construit en complémentarité avec le vouloir-agir et le pouvoir-agir (Le Boterf, 2002). Le vouloir-agir est encouragé par le sens donné au travail. Le pouvoir-agir est tributaire d’un contexte facilitateur où se déploient les ressources nécessaires pour accomplir son travail et développer ses compétences. Des ressources insuffisantes (en temps, en argent, etc.) hypothèquent souvent le pouvoir-agir des directions d’établissements scolaires du Québec.
Des praticiens et des chercheurs au Québec et dans le monde jugent que l’inadéquation entre les formations universitaires et la réalité des tâches des directions peut créer des difficultés pour les nouveaux dirigeants. Des mesures additionnelles d’accompagnement sont utiles dans ce contexte, entre autres le mentorat, le coaching ou les programmes d’insertion professionnelle. Les modifications à la gouvernance scolaire au Québec, avec la transformation des commissions scolaires en centres de services scolaires, commandent aux directions de s’ajuster. La crise sanitaire de la Covid-19 modifie aussi l’environnement scolaire. Plus que jamais, le leadership, la capacité de s’adapter, d’agir et de mobiliser les équipes-écoles et les partenaires s’avèrent des qualités essentielles que doivent développer les directions d’établissements scolaires. 
Jean Bernatchez, professeur titulaire, Université du Québec à Rimouski
Olivier Lemieux, professeur substitut, Université du Québec à Rimouski
Ce texte est inspiré de l’article : Bernatchez, J. (2011). « La formation des directions d'établissements scolaires au Québec : apprendre à développer un savoir-agir complexe », Télescope, vol. 17, no 3, p. 158-175. http://www.telescope.enap.ca/Telescope/docs/Index/Vol_17_no_3/Telv17n3_bernatchez.pdf
Barnabé, C. et Toussaint, P. (2018). L’administration de l’éducation. Une perspective historique, Québec, PUQ.
Bernatchez, J. (à paraître). « Introduction » dans Brabant, C., Bernatchez J. et Caneva, C. La gestion du changement à l’école. Petit manuel à l’intention des cadres scolaires en formation initiale et continue, Québec, PUQ.
Bouchamma, Y. (2013). Les compétences du gestionnaire d’un établissement d’enseignement, Lévis, Éditions de la Francophonie.
Gouvernement du Québec (2020). Loi sur l’Instruction publique, Québec, LégisQuébec. http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cs/i-13.3
Lalancette, L. (2014). Gouvernance scolaire au Québec : représentations chez les directions d’enseignement et modélisation, Québec, FQDE. http://fqde.qc.ca/wp-content/uploads/2013/09/FQDE-Recherche-2014-vf.pdf
Le Boterf, G. (2002). Ingénierie et évaluation des compétences, Paris, Éditions d’Organisation.
Ministère de l’Éducation (2001). La formation à l’enseignement. Les orientations et les compétences professionnelles, Québec, MEQ. http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/reseau/formation_titularisation/formation_enseignement_orientations_EN.pdf
Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (2008). La formation à la gestion d’un établissement d’enseignement. Les orientations et les compétences professionnelles, Québec, MELS. http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/reseau/formation_titularisation/07-00881.pdf

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