La lettre de mon père

Mon père Philippe Bernatchez est mort l’an dernier à l’âge respectable de 99 ans et 8 mois. Honnête homme de peu de mots, ouvrier de la construction, il n’avait à son bilan scolaire qu’une quatrième année d’école primaire. Il lisait quelques journaux. Il appréciait le Dimanche-Ô-Matin (comme il disait) avec la chronique de Maurice Richard. Il recevait à Valleyfield où nous habitions le journal de sa ville natale, Le Peuple de Montmagny. Il griffonnait dans des carnets quelques informations factuelles: numéros de téléphone (parfois sans le nom correspondant), quelques dépenses, le nombre de fois où il prenait l'autobus... Mis à part cela, je ne l'ai jamais vu écrire autre chose que son nom, ce qu'il faisait très lentement et de façon appliquée. Quelques temps avant sa mort, ma mère m'a remis un petit coffret avec quelques menus objets appartenant à mon père: une vieille montre de poche, son alliance, le Catéchisme des électeurs (un vestige publicitaire de la camp...